Description
Les ocarinas sont des flûtes à récipient. Ils se déclinent en de nombreuses formes (ovales, allongées, en forme d’êtres vivants ou d’objets...). Ils sont en général dotés d’une embouchure ressemblant à celle des flûtes à bec et le nombre de trous varie.
L’ocarina le plus répandu au Pays Basque et dans les environs est un récipient allongé en argile, qui possède une moitié en forme cylindrique et une autre en forme semi-conique. Ce type d’ocarinas comporte huit, neuf ou dix trous pour donner les tons (un ou deux d’entre eux sur la partie arrière). Comme l’explique Felipe Pedrell dans le Diccionario Técnico de la Música (1894, p. 321-322), ce modèle d’ocarina fut inventé par Giuseppe Donati, originaire de Budrio, une ville italienne, et se fonda sur les instruments de ce type que l’on utilisait autrefois.
Il se joue avec les deux mains, en approchant les lèvres de l’embouchure et en expulsant l’air, tout comme les flûtes. En couvrant et en ouvrant les trous, on peut composer des mélodies.
HISTOIRE
À l’instar des pays alentour, au Pays Basque ces instruments de musique ont été joués dans nombre d’endroits. Nous savons, par exemple, qu’ils étaient utilisés dans les bandes de musique. Miguel Ángel Martín et Maribel, qui habitaient à Intxaurrondo (Saint-Sébastien) dans le années 70, avaient un ocarina en fer. Le père de Maribel en jouait semble-t-il dans l’orchestre de Zumarraga (Guipúzcoa), probablement avant la Guerre civile espagnole. Nous n’avons pas trouvé d’autre ocarina en fonte1.
Quoi qu’il en soit, Pilar Simón (1925-2013), native d’Hernani (Guipúzcoa), nous expliqua dans l’entretien qu’elle nous accorda le 3 septembre 2002 que son grand-père jouait de l’ocarina en plus du violon. Il en avait deux à la maison, et l’un d’eux était en « argent » (en métal).
Comme l’expliquait le txistulari oiartzuarra Juanito Arozena (1930-2021), à une époque on en jouait seul à Oiartzun (Guipúzcoa), que ce soit dans les bars ou dans la rue.
Karmelo Boneta d'Estella jouant de l'ocarina. (Photo : S. Martínez Garate)
Aujourd’hui, on peut encore trouver dans la zone d’Estella (Navarre) quelques interprètes qui jouent à l’ocarina le répertoire de la région. L’un d’eux est Carmelo Boneta. Dans l’entretien qu’il nous accorda le 3 août 2015, il nous confia que l’ocarina était aussi appelé « bocarra ».
Carmelo a connu Guillermo Alzai (aveugle), Jesús Urra et Antonio Fernández, des joueurs d'ocarina d'Estella, nés au début du XXe siècle. Ils jouaient partout et leur répertoire comprenait, entre autres, de nombreuses habaneras. Boneta a surtout appris à jouer de l'ocarina avec Alzai, qui lui a légué le vieil ocarina qu'il utilise depuis 40 ans.
Le txistulari alegiarra (Guipúzcoa) German Intxausti (1926-2004) jouait de l’ocarina quand il était jeune. À son décès, son fils Ricardo fit don de son ocarina à Soinuenea et aujourd’hui on peut le voir dans l’exposition du musée.
L’ocarina de German Intxausti, originaire d’Alegia. Collection JBMA, nº 0983. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
ICONOGRAPHIE
Dans l’iconographie des églises du Pays Basque, nous n’avons trouvé aucune flûte en forme d’ocarina courant. En revanche, nous avons trouvé une autre flûte curieuse de caractéristiques similaires qui, dans la riche iconographie de l‘art roman, se présente souvent sous deux formes. Dans la majorité des cas, il prend la forme d’un petit baril avec un bec, et dans les autres, celle d’un récipient plat. Cette flûte qui est connue sous le nom de dolio2 apparaît presque toujours à côté d’autres instruments3. Certains chercheurs pensent que ceux en forme de tonnelet sont des récipients pour boissons, pas des flûtes. Pour d’autres, en revanche, ce sont des flûtes du type des ocarinas.
La caractéristique majeure de ce type de flûtes est que, à l’exemple des ocarinas, ils sont munis d’un récipient, le plus souvent en forme de barrique, à l’intérieur duquel l’air vibre.
Il possède un conduit pour diriger l’air à l’intérieur. Par la position que prennent les lèvres en soufflant, certaines de ces flûtes semblent avoir une embouchure en biseau et d’autres, en revanche, fonctionnaient en soufflant directement contre le bord du tuyau.
Ils paraissent souvent ne pas avoir de trous pour le doigté, ce qui nous amène à penser que ces éventuelles flûtes émettraient une seule note en guise de bourdon.
Cependant, parfois en raison de la forme de la flûte et de la position des doigts de l’interprète, nous pensons que le récipient pourrait avoir plusieurs trous pour émettre des notes différentes, à l’instar de nombreux autres ocarinas. Tel est le cas du musicien qui apparaît à l’extérieur de la basilique de la Asunción de Santa María de Lekeitio. Sur l’archivolte extérieure de l’entrée principale, nous trouvons cet interprète d’ocarina ou dolio.
Ce type de flûtes s’utilise encore un peu partout dans le monde entier. Voici trois exemples :
Ocarina portugais appelé « cuco ». Collection JMBA, nº 80. (Photo : O. Zapirain - Soinuenea)
Ocarina argentin. Collection JMBA, nº 1310. (Photo : O. Zapirain - Soinuenea)
Ocarina chilien. Collection JMBA, nº 483. (Photo : O. Zapirain - Soinuenea)
Quand le tuyau de conduit de l’embouchure est long, les trous pour le doigté seraient placés là. Nous trouvons un exemple au nord de Burgos, à Miñón, un village situé près de la rivière Urbel ; il apparaît sur la troisième archivolte de l’entrée de l’église de San Pedro, aux côtés d’autres instrumentistes.
À l’entrée du monastère de Leire, sur l’archivolte extérieure, un musicien joue de deux ocarinas-dolios, et à côté il y a d’autres instrumentistes.
Bien que dans l’iconographie médiévale basque cet instrument de musique occupe une grande place, dans les documents anciens nous n’avons trouvé aucun nom pour le désigner.
Musicien jouant du dolio à l’église de San Pedro de Miñón, à Burgos. (Source : Porras Robles, 2007, 76)
Ocarina-dolio double du monastère de Leire. (Photo : JMBA)
Biscaye
LEKEITIO
BASILIQUE DE LA ASUNCIÓN DE SANTA MARÍA DE LEKEITIO
Dans la riche iconographie musicale de la basilique de la Asunción de Santa María de Lekeitio, nous avons un interprète d’ocarina parmi les musiciens. Sur l’archivolte extérieure de l’entrée principale ouest, nous trouvons un musicien qui joue de l’ocarina-dolio dans l’ensemble instrumental qui anime l’entrée des paroissiens à l’église. À l’instar des autres musiciens du groupe, il est en position de jouer. L’ensemble est complété par les interprètes de cornemuse, hautbois, cithare, rebec, luth, mandoline et harpe. Vu la position des doigts, nous pensons que le récipient devait comporter plusieurs trous pour jouer des notes différentes.
Interprète d’ocarina-dolio à la Basilique de Lekeitio. (Photo : JMBA)
Navarre
AÑÉZCAR
ÉGLISE DE SAN ANDRÉS
Au village d’Añézcar, situé dans la commune de Berrioplano, nous trouvons un interprète d’ocarina-dolio à l’entrée de l’église de San Andrés, du XIIe siècle.
Interprète d’ocarina-dolio à Añézcar. (Photo : JMBA)
ARCE
ÉGLISE DE SANTA MARÍA
Dans la Vallée d’Arce, sur les terres du village de Nagore, est située l’église de Santa María, une chapelle romane du XIIe siècle. Sur les modillons extérieurs apparaissent trois musiciens, deux d’entre eux jouant du dolio. L’autre est un harpiste.
Musiciens jouant du dolio à l’église de Santa María de Arce. (Photo : JMBA)
BETELU
ÉGLISE DE SAN PEDRO APÓSTOL
Les travaux de construction de l’église de San Pedro de Betelu débutèrent au XIVe siècle et se prolongèrent jusqu’au XVIIIe siècle. Sur les modillons des corniches de l’entrée principale, on peut voir deux musiciens : celui de gauche apparaît jouant d’un instrument similaire à l’alboka et l’autre d’un instrument qui ressemble à une flûte de type ocarina ou dolio. En notant que l’interprète utilise les deux mains, nous pouvons penser qu’il comportait des trous pour varier de ton.
Flûtiste de l’entrée de la paroisse de San Pedro Apóstol de Betelu. (Photo : JMBA)
LARUNBE
ÉGLISE DE SAN VICENTE
La paroisse de San Vicente de Larunbe est une construction gothique du XIIIe siècle avec des sculptures romanes. Sur les modillons extérieurs apparaissent deux musiciens jouant du dolio.
Musiciens jouant du dolio dans la paroisse de Larunbe. (Photo : JMBA)
LARRAYA-CIZUR
PAROISSE DE SAN ROMÁN
La paroisse de San Román de Larraya-Cizur est une église romane du début du XIIIe siècle. Sur un des modillons extérieurs du portail apparaît un interprète de dolio.
Interprète de dolio de l’église San Román de Larraya. (Photo : JMBA)
LEIRE
MONASTÈRE DE SAN SALVADOR DE LEIRE
L’entrée ouest du monastère de Leire, appelée Porta Speciosa, date du XIIe siècle et sur l’archivolte extérieure de l’entrée il y a des musiciens, dont un apparaît jouant d’un ocarina double.
L’ocarina double du monastère de Leire. (Photo : JMBA)
OLÓRIZ-ETXANO, VALDORBA
CHAPELLE DE SAN PETRI
Dans le village inhabité d’Etxano, sur la commune navarraise d’Olóriz, nous avons la chapelle romane de San Petri, une construction du XIIe siècle. Il s’agit d’une chapelle riche en iconographie où nous pouvons voir une kyrielle de musiciens. Parmi eux, sur les modillons extérieurs, il y en a deux jouant du dolio.
Les deux interprètes de dolio d’Etxano. (Photo : JMBA)
SANGÜESA
ÉGLISE DE SANTA MARÍA LA REAL
Dans l’église romane de Santa María la Real de Sangüesa, qui date du XIIe siècle, on peut voir un musicien jouant du dolio sur un des modillons extérieurs.
Musicien jouant du dolio à l’église de Santa María de Sangüesa. (Photo : JMBA)
SANGÜESA
ÉGLISE DE SAN ADRIÁN DE VADOLUENGO
L’église de San Adrián de Vadoluengo de Sangüesa est un édifice roman du XIIe siècle. Un interprète de dolio repose sur un modillon de l’auvent.
L’interprète de dolio de l’église de San Adrián de Vadoluengo. (Photo : JMBA)
NOTES
1 https://www.worthpoint.com/worthopedia/historical-metal-soprano-ocarina-1727639539 (Consulté le 03/09/2021)
2 Le nom de « dolio » nous fut donné par l’expert en organologie Faustino Porras Robles.
3 Pour en savoir plus, voir : Porras Robles, F. (2007). “Un nuevo aerófono del Románico: el Dolio” [Un nouvel aérophone de l’Art Roman : le Dolio]. Revista de Folklore, (nº 315), 75-85. Et ceci également, du même auteur (2013) : "Dolia Sonantia (Toneles sonoros)”. Revista de Folklore, (nº 372), 16-27.
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
PEDRELL, F. (1894). Diccionario Técnico de la Música. Librería París-Valencia, Faksímila, 1992.
PORRAS ROBLES, F. (2007). Un nuevo aerófono del Románico: el Dolio. Revista de Folklore, (nº 315), 75-85.
PORRAS ROBLES, F. (2013). Dolia Sonantia (Toneles sonoros). Revista de Folklore, (nº 372), 16-27.
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Audio
AMA (MAITATUA SOBERA) et GALTZAUNDI (HABANERA)
Carmelo Boneta (Estella, 1946), interprète navarrais d’ocarina, possède un large répertoire. Il a interprété principalement des mélodies populaires basques, à la maison comme dans les manifestations populaires (choristes de l’aurore, honneurs funèbres, rencontres...). Pour cet publication, nous avons sélectionné deux de ses interprétations.
La première mélodie, Ama, fut enregistrée lorsque Carmelo Boneta l’interpréta à l’occasion de la XXVIIIe Semaine d’Études Médiévales. Dîners Médiévaux1, organisée à Estella en l’an 2002.
Elle est suivie de la habanera Galtzaundi enregistrée à Estella, chez Carmelo Boneta, le 10 décembre 2021.
1 Cena Medieval. XXVIII Semana de Estudios Medievales. Asociación de amigos del Camino de Santiago de Estella. (VHS).
L’ancien ocarina de Carmelo Boneta, remis par Guillermo Alzain. (Photo : JMBA)
Carmelo Boneta jouant de l’ocarina. Estella, 10 décembre 2021. (Photo : JMBA)
Fiche complète
- Numéro:
- 105
- Classification:
- Aérophones -> Flûtes -> Ocarina
- Remarques:
- OCARINAS